Adopter un chien de refuge, ou d’association par Bérénice, comportementaliste canin
Avant que vous ne voyiez la bouille de votre futur chien sur internet, il a passé plusieurs étapes. Sa vie a radicalement changé: perte des repères, lieu inconnu, nouvelles contraintes. Il y a tout à reconstruire.
Les envies des adoptants sont pleines de bonnes intentions mais attention, vous vous apprêtez à accueillir un physique alors qu'il faudrait être prêt à accueillir une problématique. Je m'explique !
En dehors des besoins primaires, (eau, repas, promenades, soins, lien affectif), un chien reste un chien. Tout le monde en déjà vu un, on sait à quoi ça ressemble. En revanche, les problématiques comportementales sont inconnues du grand public. Quand on adopte un chien, on adopte un physique ET une psychologie. Même chose quand on achète en élevage !
En l’occurrence, vous vous apprêtez à adopter une psychologie fragilisée par ce pourquoi il est à l'adoption.
Causes de séparation:
-un souci comportemental qui s'est développé dans sa première partie de vie et qui n'a pas été traité, ou qui n'a pas su être traité ou qui a été mal géré, etc.
-Un souci de santé non diagnostiqué qui rend le chien agressif.
-Une morsure sur un chien de la famille / sur un humain de la famille
-L'arrivée d'un enfant
-Un changement de travail
-Un déménagement
-Un décès
-liste non exhaustive
Problématiques comportementales :
-réactif chien / chat
-réactif humain inconnu/ enfant
-réactif à la vue d’un collier
-réactif voiture
-réactif à la manipulation
-protection de ressource sur l’humain
-protection de ressource sur les chiens/ chats
-etc…
A cela s'ajoute une nouvelle fois une psychologie fragilisée par la perte de repère, le changement de vie, les changements de référents humains, l'obligation de côtoyer des chiens bruyants, le manque de contact humain, le manque de promenades, etc… Plus le chien passe de temps dans un endroit de transition (refuge, SPA, association...) plus le chien sera impacté psychologiquement et physiquement.
Certaines fois, le refuge est une transition bénéfique au chien. Il apporte un cadre sécurisant avec une routine fixe et pas d’obligation de contact. Je pense au refuge AVA en Normandie qui met en sécurité des chiens qui auraient dû/pu être euthanasiés. Les chiens vivent dans de grands espaces, pas d’obligation de contact humain. Personne pour les embêter. Gamelles matin et soir et friandises. Une niche rien que pour eux. Ils ont un « chez eux » et ça, cela n’a pas de prix.
Donc, quand vous accueillez un nouveau chien, peu importe qu'il soit jeune, adulte ou senior, s'il vous plaît, prenez le temps de cerner sa psychologie avant de lui faire des bisous sur la truffe, avant de l’enlacer, avant de le câliner, avant de le faire dormir dans votre lit, avant d'élever la voix, avant de lui mettre le moindre collier, avant de le présenter aux enfants, avant de l’emmener au milieu de la foule.
Tous ces comportements-là sont pleins de bons sentiments humains. Mais pour le chien, ces évènements sont liés à des souvenirs traumatisants (ou non). Pour savoir, si tel geste évoque un souvenir traumatique au chien, il faut être doux, faire les choses calmement et lentement.
Par exemple : prendre un chien au collier. Pour nous, humains, c'est un geste anodin pour sécuriser le chien à la vue d'une voiture ou peut-être encore pour le mettre dehors/le faire rentrer dans la maison. Dans sa vie antérieure, la main au collier, cela pouvait annoncer une contrainte physique/ se faire secouer/ engueuler / se faire traîner dans la voiture/ traîner chez le véto/ se faire manipuler de force / se faire mettre dehors sous la pluie, etc… Ce ne sont que des exemples pour que vous compreniez pourquoi il faut y aller tout doux quand on connaît mal un chien.
Idéalement, quand on s’apprête à adopter un chien, il faudrait savoir quels sont les problématiques connues du chien. Quelles sont les sensibilités du chien dans sa vie antérieure ? Que faudra – t’il travailler ? C’est pour cela, que lorsqu’on adopte un chien, on adopte une psychologie et ses problématiques.
C’est primordial que la famille adoptante puisse se poser les bonnes questions : est-ce qu’émotionnellement je me sens de gérer cette problématique ? Est-ce que je peux me faire accompagner par un professionnel compétent ? Est-ce que j’ai envie, par amour pour ce chien, de travailler sur ces points ? Aurais-je le temps et l’argent pour mettre en place les solutions adaptées ?
Bien sûr, cela n’est pas très « vendeur » mais cela devrait être un réflexe : quels sont les bagages du chien que je m’apprête à adopter ?
Il serait judicieux de demander également :
Quel comportement avait la famille d’avant ? Est-ce qu’elle haussait la voix à la moindre demande ? Etait-elle brutale ? Sèche ? Il ne s’agit pas là d’un jugement, bien sûr que non, c’est pour savoir à quoi le chien a été habitué.
Prenons l’exemple, d’un chien qui est habitué à une voix toute douce, quelqu’un de très calme. S’il se retrouve face à quelqu’un de très agité et qui hausse la voix pour chaque demande… En plus des traumatismes et fragilités évoqués en début d’article, le chien va devoir faire face à des énergies nouvelles, des habitudes nouvelles et il lui faudra un temps d’adaptation. Il faudra lui pardonner ses sursauts, ses grognements voire même une éventuellement morsure de peur, le temps de s’adapter à sa nouvelle vie.
Est-ce qu’il vivait dehors ? Est-ce que c’était plutôt un chien d’intérieur ? Est-ce qu’il avait des contacts réguliers avec sa famille ?
Ce sont des informations précieuses pour gérer au mieux les premiers mois de vie. Peut-être quecertains chiens seront plus à l’aise à vivre en chenil les premiers mois, et qu’il seront disposés à vivre à vos côtés seulement plus tard, une fois que vous vous serez mutuellement adoptés ? D’autres commenceront par dormir dans le salon et vous feront comprendre que finalement, la cuisine est plus sécurisante. J’en connais une qui pourrait dormir sur son coussin dans la maison mais qui adore dormir sur le perron collée à la porte d’entrée. Dans tous les cas, ne restez pas figés sur ce qui vous aviez prévu.
Très souvent, on me contacte pour un bilan comportemental trois semaines post adoption. C’est systématique, au bout de trois semaines, le chien dévoile ses comportements habituels. On me dit « il a changé de comportement ». Vous le trouvez changé. C’est vrai, son comportement a évolué : moins inquiet, plus confiant. Il se met à aboyer, il ne revient plus au rappel, etc…
Il a le défaut de ses qualités. C’est à ce moment-là que vous faites connaissance avec votre chien.
Avant, il était inhibé parce qu’il se demandait à quelle sauce il allait être mangé. Maintenant qu’il a pris la température et qu’il prend ses marques, il est assez à l’aise pour « montrer ses défauts ». Ce qui lui fait peur, ce qu’il adore. Tout d’un coup, il n’accepte plus qu’on s’approche de lui quand il mange. Il grogne les chiens que l’on croise. Il aboie quand le facteur passe.
Il arrive aussi que des chiens très survoltés en refuge perdent toute leur nervosité une fois installés confortablement dans leur nouvelle famille.
Il arrive aussi que des chiens arrivent sans aucun traumatisme. D’autres pour qui on dirait que le changement de famille ne les a aucunement impactés. On appelle ça, la perle rare.
N’adoptez pas un chien en espérant que ce soit une de ces perles rares. Vous serez déçus.
Je tiens à préciser que cet article a un but informatif. Je connais de nombreux adoptants qui ont vécu de terribles désillusions en pensant que ce serait facile. D’autres qui ont pris le train en marche mais qui ont été scotchés de voir à quel point on ne connaît pas un chien tant qu’on a pas tout vécu avec lui.
D’autres pour qui cela s’est super bien passé parce qu’ils étaient préparés aux éventuelles problématiques. Encore d’autres, qui ont adopté en connaissant les problématiques, et tout va bien dans le meilleur des mondes.
Adopter un chien, c’est une aventure ! L’aventure est belle, que dis-je magnifique, quand on a décidé de s’embarquer là-dedans !
(photo SPA de Vallérargues)